N°59 - le soutien d’étiage ou comment préserver la ressource en eau en période sèche

En période estivale, les niveaux d’eau dans les rivières baissent. L’EP Garonne assure depuis plus de 30 ans des lâchers d'eau sur la Garonne de début juillet à fin octobre, afin de satisfaire tous les usages (eau potable, industrie, irrigation) et préserver la biodiversité. 
La cinquante-neuvième édition des « Jeudi N2000 » est consacrée au bilan de la campagne 2025 et comment cette mission est bénéfique aux milieux. 

Soutien d’étiage, qu’est-ce que c’est ? 

Pour rappel, l’étiage correspond à la période de l’année où les débits sont les plus faibles dans les rivières. Sur le bassin de la Garonne, les faibles débits se rencontrent historiquement du mois de juillet jusqu’au début de l’automne et certaines fois en période hivernale. Ces variations de débit sont dues à de multiples facteurs comme le manque de pluie, le remplissage des nappes souterraines, de la couverture de neige et des prélèvements d’eau. 
 
Le soutien d’étiage correspond donc au maintien d’un débit d’eau objectif d’étiage (DOE) minimal, débit optimum qui permet de satisfaire les usages et les besoins des milieux aquatiques 8 années sur 10 lors des périodes de fortes tensions. 

Pourquoi est-il nécessaire ? 
 
L’étiage est un phénomène naturel sur les cours d’eau accentué par les différents usages de l’eau. Par exemple, l’Homme l’utilise pour de nombreuses activités économiques l’eau : l’industrie, l’agriculture, l’eau potable (Toulouse, Agen…), l’énergie, etc… Mais les rivières sont aussi des réservoirs de biodiversité où la ressource en eau est indispensable pour le maintien des habitats humides et des nombreuses espèces associées à ces milieux. On peut citer par exemple différentes espèces de poissons migrateurs dépendantes d’une eau de qualité et assez oxygénée ou bien des habitats comme les saulaies blanches fortement dépendantes des niveaux d’eau dans la Garonne et dans sa nappe alluviale. 

La Garonne en étiage hivernal inquiétant à Toulouse (31)

De plus le changement climatique vient créer des tensions supplémentaires sur les rivières : moins de stocks d’eau disponible car moins de neige en période hivernale, température de l’eau plus chaude, évaporation plus importante, etc…  La gestion des débits d’étiage permet, parmi d’autres solutions, d’accompagner l’adaptation des milieux et des usages à ce changement. 

Vue aérienne de la Garonne en étiage et de la plaine en aval de Portet-sur-Garonne (31)

Comment est-il mis en œuvre ? 

Depuis 30 ans l’EP Garonne a passé des conventions avec EDF et d’autres partenaires techniques pour conserver des volumes d’eau dans les retenues hydroélectriques des Pyrénées mais aussi sur le piémont (retenues sur les bassins de l’Arize et du Touch) et le bassin Tarn/ Agout. Cela représente environ 80 millions de m3, soit l’équivalent de 32.000 piscines olympiques. 

Carte de localisation des réserves

Durant la période d’étiage, les agents de l’EP Garonne travaillent en partenariat avec EDF, les services de MétéoFrance ainsi que les services de l’Etat et de l’agence de l’Eau pour ordonner des lâchers d’eau quand les débits mesurés descendent trop bas. Ce travail commence le 1er juillet et se finit le 31 octobre, sauf si conditions exceptionnelles. 
 
Le volume lâché chaque année et les périodes sont très variables d’année en année. Par exemple 2022 et 2023 ont été les années les plus sèches avec respectivement 58 hm3 et 61 hm3 de volume lâché. A l’inverse 2024 a été une année relativement humide avec environ 7hm3.
 

La gestion d’étiage demande une gestion quotidienne avec une expertise pointue en climatologie, en hydrologie, et en connaissance des besoins en eau, permettant d’anticiper les baisses de débits et de pouvoir ainsi positionner et dimensionner au mieux les lâchers d’eau avec les débits les plus adaptés à partir des réserves d’eau qui optimisent les temps de transfert des volumes lâchés (voir carte de localisation ci-dessus) 
 
La capacité de débit instantané a été augmentée ces dernières années. En 2025, avec les nouvelles réserves mobilisées, il est possible de lâcher jusqu’à 20m3/s en instantané. 

Bilan de la campagne 2025 

Le bilan de l’EP Garonne, au terme de la campagne de soutien d’étiage 2025, est marqué par un volume total déstocké de 41 millions de m³, l’équivalent de 16 400 piscines olympiques. 
 
Le soutien d’étiage 2025 a sollicité l’ensemble des réserves disponibles du bassin Garonne : 
    •    31,8 millions de m³ depuis les retenues d’altitude en Ariège, 
    •    2,8 millions de m³ depuis le lac d’Oô, 
    •    1,8 million de m³ depuis la retenue de Filhet (Arize), 
    •    2,4 millions de m³ depuis les retenues du bassin du Touch, 
    •    2 millions de m³ depuis les retenues du Tarn/Agout. 
 
Cette répartition illustre le caractère inter-bassin et solidaire du dispositif, fondé sur une gestion coordonnée des ressources pour sécuriser l’axe Garonne. 
 
Ce volume déstocké est situé entre la valeur médiane et la valeur quinquennale sèche, sur plus de 30 années de gestion opérée par l’établissement. Ce volume relativement significatif souligne l’intensité du soutien apporté, en particulier durant le mois d’août sous extrême tension avec 24,5 millions de m³ déstockés et 5 jours consécutifs de lâchers à 20 m³/s, soit un fonctionnement au maximum de la capacité du dispositif. A titre indicatif, environ 40% du débit mesuré à Toulouse, au plus fort de la tension hydrologique, provenait de ces lâchers organisés. 
 
L’année 2025 s’est distinguée par un étiage tardif qui s’est prolongé jusqu' à début novembre, 8 millions de m³ ont ainsi été déstockés durant le mois d’octobre, malgré l’arrêt des usages fortement préleveurs à la fin de l’été.  
 
L’étiage 2025 a également été marqué par des températures de l’eau du fleuve très élevées, avec des valeurs qui ont atteint 28°C dès fin juin, des dépassements de +4,6°C par rapport à la normale dans l’estuaire, entraînant des phénomènes de dégradation de la qualité de l’eau, notamment le développement de cyanobactéries et une diminution du taux d’oxygène. Ces températures élevées sont nocives pour les poissons de nos rivières, car leur température de résistance est fixée, pour les plus tolérantes à 25 °C. Cela a entraîné une très forte mortalité dans certaines zones. Dans ce contexte, le soutien d’étiage a joué un rôle essentiel pour maintenir des débits limitant les impacts sur les milieux aquatiques, déjà fragilisés par ces chaleurs extrêmes. 
 
Ce soutien d’étiage a permis d’éviter toute restriction d’usage de l’eau sur l’axe Garonne, y compris au plus fort de l’épisode caniculaire, alors que la quasi totalité des autres bassins versants voisins ont dû appliquer d’importantes mesures de limitation. 
 
Grâce à ces lâchers,  
    •    Les besoins en eau potable, estimés à 5 m³/s sur la Garonne à l’amont de Bordeaux, ont été intégralement couverts. Sur l’axe Garonne ce sont plus de 2 millions d’habitants en particulier sur toute la région toulousaine qui dépendent pour l’eau potable de la Garonne et ses canaux. 
    •    Les milieux aquatiques ont été préservés : à Portet-sur-Garonne, par exemple, le Débit Objectif d’Étiage (DOE), correspondant au débit nécessaire au fonctionnement optimal des milieux aquatiques, a été respecté 90 % du temps. 
    •    Les besoins agricoles ont pu être satisfaits sans restriction malgré des débits de prélèvement qui sont restés à des niveaux très élevés pendant près d’1 mois, notamment à cause des fortes chaleurs du mois d’août. 
 

Les lâchers d'eau opérés par l'Etablissement Public Garonne Gascogne et affluents pyrénéens ont un coût. L'indemnisation, principalement d'EDF, s'est établie en 2025 à environ 3,7 millions d'euros. Les collectivités des syndicats participent à ce financement au côté de l'agence de l'eau Adour-Garonne qui subventionne l'opération. Les usagers préleveurs contribuent via une redevance pour service rendu autour de 1,5 millions d'euros avec un poids équivalent des trois usages (eau potable, industriel, irrigation).

Perspectives 

L’idée est dans les prochaines années d’augmenter cette capacité de stockage en complément des autres solutions contribuant à l’adaptation au changement climatique, comme par exemple le développement des solutions dites fondées sur la nature (SFN).  
 
L’EP Garonne œuvre au travers de ses différentes politiques comme l’animation Natura 2000 à préserver et développer ces SFN sur l’ensemble de son territoire. A titre d’exemple deux contrats Natura 2000 en Nouvelle-Aquitaine ont été labelisés SFN. Au travers de la mise en œuvre du SAGE vallée de la Garonne, l’EP Garonne participe à la préservation et à la valorisation des milieux aquatiques et des zones humides, contribuant à conserver et améliorer la résilience des milieux.  
 
C’est bien ce mélange de solution incluant l’adaptation des pratiques sur le bassin versant de la Garonne qui permettra de limiter l’impact du changement climatique.